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APRES LA PRISON, Des femmes jetées dans l’enfer de la vie en liberté au Bénin ! . « L’ambiance de la prison me manque… »

APRES LA PRISON,

 

Des femmes jetées dans l’enfer de la liberté au Bénin !

 

. « L’ambiance de la prison me manque… »

 

 

Dans toute société, un lieu est réservé à quiconque se retrouve en conflit avec les lois. Cet endroit qu’on appelle prison ou maison d’arrêt reçoit tous types de pensionnaires sans distinction de sexe et de classe sociale. Ainsi, il n’est pas rare de retrouver des femmes en prison pour diverses raisons. Mais, au Bénin, après leur séjour carcéral, la vie en liberté est souvent un enfer pour les anciennes détenues. Elles éprouvent toutes les peines pour se faire accepter par les leurs et s’épanouir pleinement dans la société. 

 

Edouard ADODE

 

« La veille de ma libération, je n’ai pas pu fermer les yeux de toute la nuit. Je ressentais en moi à la fois la joie et la peur », témoigne sous anonymat Brigitte M., ancienne détenue de la prison civile de Porto-Novo et vivant à Parakou. C’est dans ce tourbillon d’émotion que la plupart des femmes qui ont connu la prison au Bénin abordent la vie après leur séjour carcéral. Quand bien même après leur condamnation par la justice, elles ont hâte que les jours passent le plus vite possible pour qu’elles recouvrent leur liberté, lorsque le jour de la sortie définitive de la prison s’approche, dans leur tête souffle un vent impétueux.   

 

Mais c’est une fois la liberté retrouvée que commence le véritable calvaire pour ces femmes qui ont connu la prison. « J’étais encore en prison quand mon mari a pris une autre femme et venait rarement me voir. Quand j’ai été libérée, il m’a clairement dit qu’il ne veut plus de moi », confie Brigitte après sept ans de séjour carcéral alors qu’elle avait eu à passer déjà douze ans de vie conjugale avant la survenance des événements qui l’ont conduite en prison et dont elle ne souhaite plus en parler. « Après ma sortie, j’ai eu à passer à peine un an à Sèmè-Kpodji, la ville dans laquelle j’étais avec mon époux avant d’aller en prison mais ce fut pour moi des moments terribles de ma vie. Tout le monde m’a rejetée et même les membres de ma propre famille sauf mes deux filles », témoigne-t-elle soulignant que ses filles ont eu à essuyer des insultes par rapport au forfait de leur mère.

 

Des damnées à la clandestinité   

 

« La société voit la femme comme le sexe faible, donc incapable de commettre certains actes répréhensibles. Alors, quand il arrive qu’une femme se retrouve coupable d’un forfait qui la conduit en prison, ses proches ont du mal à l’accepter », souligne le sociologue Didas Tossou de l’Université d’Abomey-Calavi. Face à ce rejet de la société, les femmes repris de justice se voient dans l’obligation de vivre dans la clandestinité et dans la solitude, précise le sociologue. « Je ne pouvais pas continuer de voir mes enfants qui chaque fois, reviennent à la maison en larme. Pour un rien du tout, tout le monde les traite de filles de criminelle. C’est ce qui a fait que nous avons dû quitter Sèmè-Kpodji pour Glazoué et puis nous vivons à Parakou depuis trois ans », confie l’ex détenue de la prison civile de Porto-Novo. 

 

Au-delà du changement géographique, dans son apparence physique, Brigitte a opéré plusieurs autres transformations allant de son teint à sa morphologie pour éviter de se faire facilement reconnaître par ceux qui connaissent son passé douloureux qu’elle essaie de fuir malgré le fait qu’elle ait fait la prison pendant plus de sept ans sur les dix qu’elle a eu à écoper après avoir bénéficié d'une libération conditionnelle. Plusieurs d’autres anciennes détenues rencontrées vivent la même situation que Brigitte mais n’ont pas voulu s’exprimer.  

 

« J’ai connu une amie à Djougou, qui a eu à faire la prison de Natitingou. Mais après la prison, elle est retournée dans son village au Togo, elle était serveuse de bar », se souvient Moukaïla Sarè. Quant à Brigitte, elle ne veut même plus refaire sa vie avec un homme de peur que son passé ne soit utilisé comme injure en cas de problème entre ce dernier et elle. La plupart de celles qui essaient de retourner dans leur environnement habituel, se réfugient dans l’alcoolisme pour mieux affronter le regard des autres. Joint au téléphone par notre rédaction, S.T.  l'ex époux de l'ex détenue de la prison civile de Porto-Novo n'a pas voulu se prononcer sur les motifs de sa séparation avec sa femme. Néanmoins, il reconnaît qu'il ne pouvait pas accepter une femme que sa famille a rejetée quand bien même il dit savoir que l'erreur est humaine.

 

La réinsertion, un os dans la gorge du ministère des affaires sociales et les parents de détenues 

 

Dans les tribunaux du Bénin, il existe un service social de la justice qui a un œil sur la vie des détenus dans les maisons d’arrêt. Mais généralement ce service se limite au strict minimum. « Nous faisons la médiation par moment lorsque ces femmes ne reçoivent par de visite ou lorsque ces femmes ont leur enfant avec elles, et n’ont pas le soutien du père. Également si un enfant (enfant d’une détenue, Ndlr) est malade et qu’on doit prendre le produit en ville, nous faisons la médiation pour prendre les sous chez le père ou chez les parents », explique un responsable d’un de ces services sociaux près d’un tribunal du nord Bénin. Le responsable précise qu’« il y a aussi l’accompagnement psychologique pour ces femmes dans la maison d’arrêt ». Quant à la réinsertion de ces femmes après leur séjour carcéral, rien n’est pratiquement prévu. « En 2021, il y avait une Organisation Non Gouvernementale qui nous accompagnait dans la prise en charge des frais d’apprentissage de celles qui désiraient apprendre un métier pour leur réinsertion économique après la prison. Mais depuis un temps, il n’y a plus d’Ong pour nous accompagner », se rappelle le responsable du service social tout en déplorant les moyens limités de son service pour un accompagnement à la réinsertion de ces femmes après la prison. 

 

Pour le juriste Hervé Gnansounou, la législation béninoise n’est pas restée totalement muette sur la question de la réinsertion sociale des prisonniers au Bénin. Il évoque les cas de libération conditionnelle et de grâce présidentielle qui nécessitent l’évaluation de la capacité de réinsertion des candidats. Ainsi, parmi les conditions que doit remplir un prisonnier pour bénéficier d’un de ces deux types de libération figure sa capacité de réinsertion socio-professionnelle. « Pendant que vous êtes dans la maison d’arrêt, on observe votre conduite, on observe votre habileté à vous reprendre dans la vie sociale et on évalue votre capacité de vous réinsérer socialement. C’est tenant compte de tout ça qu’on peut vous octroyer la libération conditionnelle », clarifie le juriste en s’appuyant sur l’article 812 du code de procédure pénale. Cet article dispose que « le bénéfice de la liberté conditionnelle peut être assorti de conditions particulières ainsi que des mesures d’assistance et de contrôle destinées à faciliter et à vérifier la réinsertion du libéré ». 

 

Une urgence sociale

 

« Si ce n’est pas la liberté d’aller et revenir qui manque en prison, je vous assure que la vie là-bas est mieux. Je vous assure l'ambiance de la prison me manque surtout pour l'harmonie qui régnait entre nous. Pas de discrimination, après les premiers jours de pleurs et de souci, facilement on s’y adapte et il y a toujours quelqu’un entre nous qui console. On se taquine bien », se souvient Brigitte. Ainsi, ce rejet que subissent bon nombre de femmes après la prison a de graves conséquences sur leurs vies. « Elles peuvent se retirer de toutes organisations de la société, d’autres peuvent aller jusqu’à penser à se suicider », fait savoir le sociologue Didas Tossou. Quant au juriste, il voit en ce rejet un facteur pouvant pousser ces personnes à aller commettre d’autres infractions dans l’optique de retourner en prison. 

 

Alors, le responsable du service social de justice trouve qu’il est important que la réinsertion sociale des détenus surtout femmes soient la préoccupation des Ong. Il promet en parler lors des instances qui regroupent les services sociaux de justice qui ne disposent d’ailleurs pas d’un texte d’Attributions d’Organisation et de Fonctionnement (Aof) pour que la réinsertion sociale des détenues soient mieux organisée au Bénin. D'où la nécessité pour le ministère en charge des affaires sociales de mettre en place un mécanisme bien huilé en ferveur de ces femmes qui ont du mal à se refaire après leur séjour carcéral. Le sociologue appelle les parents à accepter leurs proches qui reviennent de la prison en général et les femmes en particulier car, elles peuvent encore faire de très bonnes choses si elles se sentent pardonnées et aimées.   

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